Vers un modèle clearance en France ?
Publié le 10 octobre 2019

L’article 56 du projet de loi de finances 2020, présenté le 27 septembre 2019, prévoit « la mise en œuvre de la facture électronique dans les relations inter-entreprises et la remise d’un rapport sur les conditions de mise en œuvre ». Ce nouveau modèle, qui devrait prendre effet le 1er janvier 2023, ou au plus tard le 1er janvier 2025, prévoit entre autres l’obligation d’utiliser l’e-invoicing dans les relations BtoB et la mise en œuvre d’une version du modèle Clearance. Quelles modalités et quel impact auront cette mesure ? Christophe Viry, Product Marketing Manager chez Generix Group, décrypte ces premiers éléments et livre sa vision.
Quelles seront les entreprises concernées par cette obligation de facturation électronique ?
Jusqu’à présent, la Directive 2014-55-UE imposait l’envoi des factures électroniques aux entreprises ayant des clients dans la sphère publique uniquement.
D’après les premiers éléments de l’article 56, qui sont les seuls disponibles à ce jour, toutes les entreprises seront dorénavant concernées à partir du moment où elles émettent des factures à destination d’autres entreprises, sans discernement de secteur d’activité, de taille ou encore de statut. Cela concernerait donc toutes les factures BtoB.
Pourquoi rendre obligatoire l’e-invoicing ?
Le principal objectif de l’État est de lutter contre la fraude fiscale en limitant au maximum les stratagèmes de contournement de TVA, comme le type carrousel par exemple. Et cela fonctionne : tous les pays l’ayant déjà mis en place confirment l’efficacité du dispositif. Les ministres Bruno Le Maire et Gérald Darmanin exposent également d’autres bénéfices de cette modernisation : la suppression de la facture papier, coûteuse dans son traitement, ou encore l’évolution des logiciels comptables pour une intégration complète des données, qui réduira les temps de traitement et de paiement des factures.
Selon vous, quel serait le modèle adopté en matière de facturation électronique ?
Une étude d’impact approfondie va être réalisée ces trois prochaines années pour préciser les modalités et le cadre de cette pratique. Le temps pour l’État d’étudier ce qui a déjà été déployé – ou ce qui est en train de l’être – dans d’autres pays comme l’Italie, la Pologne, l’Angleterre ou la Roumanie, zones les plus avancées sur le sujet dans l’Union européenne.
Il est très probable que la France opte pour un modèle de type Clearance, à l’instar du modèle SDI en Italie. De nombreux experts s’accordent d’ailleurs à dire que le monde entier va passer sur le modèle Clearance d’ici à 2025. Le rythme s’accélère et de nouvelles déclarations en ce sens émergent tous les mois : l’Albanie, la Grèce, l'Egypte, le Pérou et la Bolivie, par exemple, ont récemment annoncé qu’ils en prenaient la trajectoire.
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Si le modèle Clearance est déjà en place dans d’autres pays, pourquoi un tel délai pour l’entrée en vigueur de la loi en France ?
Le modèle Clearance implique que l’administration s’interpose entre les assujettis en devenant destinataire de toutes les factures et en les ré-émettant aux destinataires. C’est une sacrée contrainte réglementaire et technique ! Sa mise en place est complexe et nécessite beaucoup d’investissements, informatiques notamment. Je pense que l’État va prendre le temps d’étudier le sujet jusqu’en 2021, pour réaliser des développements et des tests en 2022, de sorte que tout soit opérationnel pour 2023.
Par ailleurs, si le principe du modèle Clearance est adopté par de nombreux pays, chacun annonce des spécificités qui lui sont propres. Par exemple, d’après l’article 56, la France pourrait envisager de proposer un service de pré-déclaration (partielle) de la TVA à partir des données collectées en ligne. Cela n’a pas été fait ailleurs.
Nous sommes encore dans l’incertitude du modèle précis que définira notre gouvernement, mais certaines applications en place ailleurs pourraient bien inspirer le modèle français, comme :
- la gestion du Split Payment : collecte et redirection des données vers des comptes bancaires différents – fournisseur en net de TVA + compte dédié pour la part TVA – (comme en Pologne) ;
- le e-reporting : collecte et stockage des données en vue d’effectuer des contrôles pour détecter les écarts entre TVA déclarée et TVA récupérée (à l’étude en Grèce).
Quel est l’impact de l’obligation de facturation électronique sur les entreprises ?
Pour les entreprises, les enjeux sont importants. Dans la mesure où il s’agit d’une obligation réglementaire, elles n’auront pas d’autre choix que de s’y conformer, sous peine de prendre de très gros risques financiers.
Par ailleurs, le fait qu’il n’existe pas de standardisation du modèle et que chaque pays le mette en place avec des modalités différentes est une vraie galère pour les entreprises internationales, qui devront essayer de comprendre ce qui se passe partout dans le monde et être compliant selon les zones géographiques. Cela représentera pour elles un coût important (audit, accompagnement, conseil, solutions technologiques…).
La Commission européenne a annoncé qu’elle allait travailler sur le sujet. Certains éléments, comme les formats de facture ou des règles communes d’identification électronique, ont déjà été normalisés. Mais il faudrait aller beaucoup plus loin, au moins à l’échelle de l’Union européenne, en créant un standard international définissant précisément le fonctionnement du modèle Clearance.
Quelle est la meilleure façon pour les entreprises de répondre à cette obligation ?
Le plus simple pour les entreprises est de se faire accompagner par un opérateur. Ce dernier se connectera à la plateforme de l’État, prendra les informations de facturation de la société, mettra le tout en conformité, déposera les éléments sur les serveurs et gérera les acquittements, l’archivage, l’horodatage, etc. Generix Group a l’habitude d’intervenir dans des zones géographiques où le modèle Clearance est déjà en place et sera par conséquent opérationnel pour gérer le modèle français lorsque ce dernier sera acté.
L’article 56 du projet de loi de finances 2020 confirme la perspective d’obligation d’e-invoicing inter-entreprises pour lutter contre la fraude fiscale, mais les contours du modèle français restent encore flous. Si l’adoption du modèle Clearance semble très probable, l’État se laisse jusqu’à 2023 ou 2025 pour étudier les dispositifs en place dans les autres pays, définir précisément son modèle et le faire entrer en vigueur. Pour les entreprises, internationales en particulier, l’application de l’obligation s’annonce complexe du fait du manque de standardisation et de normalisation entre les pays. L’obligation française ne concernera dans un premier temps que les factures BtoB mais il y a fort à parier que la démarche s’étendra rapidement aux factures BtoC, sur le modèle de l’Italie, où la facture électronique est obligatoire – pour le BtoB et le BtoC – depuis 2019. Expert de la dématérialisation des factures, Generix Group peut vous accompagner dans votre démarche d’e-invoicing.